Ancien Ingénieur ferroviaire, Louis Coulée a profité de la crise sanitaire pour se recentrer professionnellement et a décidé de devenir entrepreneur en créant la brasserie La Chaloupe. Installé depuis novembre 2023 au 41 Rue d’Alger au Mans, Louis a connu un très bon démarage d’activité en remportant notamment une médaille de Bronze aux World Beer Awards 2024. Avec Nathan, il revient sur les fondations de son entreprise et se confie sur les rouages de son identité de marque. 

Interview en format vidéo disponible en sur la chaîne YouTube BrewSocietyTV !

1 | La reconversion professionnelle

Quand avez-vous eu le déclic pour changer de voie ?

Louis : En fait, la décision de changer de métier date d’il y a longtemps. Je savais que les écrans, le travail d’ingénieur, au final, ne me plaisait pas plus que ça. Je savais que je finirai par monter mon entreprise. Je suis un passionné de cuisine depuis longtemps et, pendant le confinement, comme beaucoup de gens, j’ai cherché à m’occuper un petit peu. Je suis tombé sur des vidéos de “Une Bière et Jivay” sur la manière de brasser soi-même à la maison. Je me suis dit que la bière c’était quelque chose qui se consomme, que ça avait l’air sympa, j’avais envie d’essayer. J’ai commencé à brasser à la maison avec 50 euros de matériel. Je me suis équipé de plus en plus. Après quelque temps, je suis devenu autonome en bière, en production et, il y a de ça bientôt trois ans maintenant, l’occasion s’est présentée de créer mon entreprise. J’avais déjà eu des expériences en cuisine donc je savais un peu où j’allais. Je savais aussi ce que je voulais et la cuisine ne me permettait pas d’avoir une vie de famille, à cause des horaires notamment… Je me suis donc tourné vers la bière en me disant que j’allais produire les bières et que les bars et les restaurants se chargeraient de les distribuer pour moi. Tout cela me permet de garder ma propre activité, d’être mon propre patron tout en préservant une vie de famille, ce qui est pour moi quelque chose d’important.

Dans une précédente interview, vous parliez de création, d’expérimentation et de partage, pourquoi ces notions ? C’est un besoin de créer ?

L : Oui, je suis quelqu’un d’assez curieux, j’aime bien essayer des choses nouvelles et je trouve que la bière est un univers qui s’y prête totalement et cela même sans partir sur des bières très spéciales avec des ajouts de fruits. Rien qu’avec les matières premières, le champ des possibles est déjà quasiment infini sans aller chercher autre chose ailleurs. C’est quelque chose que j’aime beaucoup.

Comment avez-vous entendu parler de Brew Society ?

L : En réalité, c’est un peu par hasard. J’étais en pleine phase de développement de projet et j’ai constaté que beaucoup de brasseurs font le choix de se lancer en autodidacte. On a quasiment tous commencé comme ça mais pour moi ça me semblait important de ne pas se lancer dans un métier sans avoir été qualifié de manière professionnelle. J’ai donc cherché des formations. L’Institut Français de la Bière et du Malt (IFBM) à Nancy était blindé, il ne pouvait pas répondre à toute la demande et les dates qui restaient ne correspondaient pas avec mes échéances de projet. J’ai donc continué de chercher et je suis tombé sur Brew Society qui plus est se situe à Rouen, ce qui est beaucoup plus facile pour moi venant du Mans. J’ai vu que les avis étaient très bons et j’avais un CPF limité. J’ai donc directement visé la formation B2 en me disant “soit j’ai trop de retard sur les connaissances, je vais nager et je ne vais pas savoir où je vais, soit ça va être top”. Dès que je suis arrivé là-bas, c’était nickel. J’ai vraiment bien fait de faire ça parce qu’on ne brasse pas de manière professionnelle comme on brasse chez soi. On est obligé d’être sensibles à tout ce qui est infection, surveillance de la qualité des matières premières… Il y a plein de choses auxquelles on ne fait pas attention à la maison.

Et BrewFactory ?

L : Pendant la formation, on nous a mentionné l’existence d’Otsoa en nous disant qu’il était spécialisé dans le développement du matériel et que si on avait des projets professionnels, ça valait le coup d’aller le voir. Donc je suis allé le voir, j’avais déjà mon business plan bien avancé, je savais déjà où j’allais, les volumes que je voulais faire. On a fait un premier rendez-vous, on en a discuté et ça a été très productif dans le sens où Otsoa a tout de suite mis le doigt sur les choses qui n’allaient pas ou bien qu’il fallait clarifier dans le projet. Après cet échange, dans le développement du projet, il s’est avéré que ce que proposait BrewFactory pour le développement du matériel collait avec ce dont j’avais besoin. Après deux semaines de formation à l’institut Brew Society, on commence à savoir comment fonctionne l’entreprise, à cerner les gens et j’avais envie de leur faire confiance, ça me paraissait naturel. 

2 | L’identité de la brasserie

Quels types de clients touchez-vous avec La Chaloupe ?

L : Pour le moment, la vente aux particuliers représente une plus grosse part que ce que je pensais de mon activité. Étant en centre ville du Mans, il y a du passage, cela aurait bête de ne pas faire boutique sur place. Beaucoup de brasseurs sont délocalisés en périphérie du Mans donc pour eux la vente se fait sur place mais une fois par semaine, généralement le vendredi soir. Personnellement, je suis ouvert tous les soirs, de 16h à 19h, pour permettre à ceux qui veulent passer viennent me voir et m’achètent quelques bières, ça rapporte un peu plus. Après sur la grosse distribution, l’idée était d’avoir un produit local, de qualité

Dans le projet, je voulais redorer le blason de la bière, le ramener sur les bonnes tables des restaurants et donc, quand on veut être dans un très bon restaurant, si en même temps nos produits sont sur une étale de supermarché, ça ne marchera pas. Quand les sommeliers veulent proposer un produit à leurs clients et qu’ils retrouvent cette bière en faisant leurs courses, ça ne leur plaisent pas trop. Pour le moment, c’est uniquement bars et restaurants.

D’où vient ce souhait de brasser local ?

L : Quand on développe un projet, une entreprise, il faut trouver quelque chose qui fait qu’on se démarque des autres. Aujourd’hui, tout le monde peut faire de la bière, il y a des malteries partout dont des grosses qui fournissent à bas prix. Personnellement, je trouvais ça important, étant donné les contraintes que l’on a aujourd’hui, de proposer un produit local et intelligent et que ma bière ait une empreinte carbone réduite. J’ai fait le choix du local et non du “bio” car la plupart des microbrasseries aux alentours sont axées sur le bio, cela ne m’aurait pas permis de me différencier. Le local me paraissait évident dans le sens où passer par des circuits courts était accessible aux vues des commerces à proximité de moi. C’est suffisant pour faire mon chiffre sans que je n’ai le besoin d’exporter dans toute la France.

Quels produits locaux utilisez-vous ? 

L : Concrètement, le produit local que j’utilise c’est le malt qui représente 95% de la matière sèche apportée dans un brassin, on est vraiment proche des 100%. J’aimerai pouvoir utiliser le houblon aussi, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui car, dans le coin, les houblonnières se développent, elles sont encore toutes petites. J’ai développé mes recettes pendant trois ans avec des houblons bien particuliers qui ne sont pas encore proposés dans la région donc je ne peux pas pour le houblon pour le moment. Pour le malt, j’ai trouvé et j’en suis très content car cela rentre dans une dynamique que je souhaitais, c’est-à-dire cette synergie que l’on peut avoir entre petites entreprises. Mes malteurs sont en Eure et Loire, ils sont à moins de 100km du Mans. Ils font un super boulot, ils se diversifient de plus en plus et je suis content car en étant client chez eux, je leur apporte des sous, je leur fais un peu de pub car la qualité de mes bières provient de la qualité des matières premières au départ. On est dans un cercle vertueux : tout le monde arrive à générer un peu et à faire vivre son entreprise grâce à l’autre.

3 | L’équilibre vie professionnelle / vie personnelle

Pourquoi La Chaloupe ?

L : J’ai quelques clients qui m’ont dit “Pourquoi La Chaloupe ? Il n’y a pas la mer en Sarthe”. Déjà trouver un nom pour une entreprise c’est pas si facile que ça quand on se dit que ça va devoir vivre plusieurs années et que ça allait sûrement évoluer. Je voulais éliminer tout ce qui était jeu de mots car ce sont des choses dont on s’en lasse très vite et l’image de marque passe parfois à la trappe : par exemple, si on veut présenter un produit de qualité avec un nom drôle, c’est toujours un peu plus compliqué. J’ai creusé un peu dans ce qui personnellement me plaisait, ce qui me parlait. Je trouve que la bière a toujours une connotation de partage donc le côté équipage me paraissait faire sens. Il y a toujours cette idée locale, circuit court dans le nom car les chaloupes sont des petites embarcations qui permettaient de débarquer l’équipage, remplir les cales des bateaux quand ils ne pouvaient pas accoster. Ça reprenait ce côté petite desserte, petit trajet sur de courtes distances et le côté “petite embarcation” donc on peut mener tout seul en ramant et c’est ce que je fais aujourd’hui : je suis tout seul à ramer pour mon entreprise. Tout ça faisait sens et il y avait aussi un côté famille car, à l’époque où ma première fille était plus petite, quand je la berçais, j’avais une démarche un peu particulière et ma femme trouvait que je chaloupais donc cela faisait aussi ce clin d’oeil famille, qui me supporte beaucoup dans le projet et qui prend une place importante dans tout ça. J’ai trouvé un nom sobre qui me parle, qui reprend les valeurs du projet et avec une image de marque assez simple pour que la marque soit belle et sobre.

Est-ce que lancer une brasserie est conciliable avec la vie de famille ?

L : Oui, à partir du moment où on en discute. Je me suis beaucoup renseigné pendant le lancement du projet sur les contraintes que ça pouvait induire de créer son entreprise en général et une microbrasserie plus particulièrement et j’avais vu des articles qui disaient que beaucoup de couples divorçaient dans les premières années de création de l’entreprise car cela prenait trop de temps sur le côté personnel. Quand j’ai commencé à avoir l’idée de monter cette microbrasserie, on en a beaucoup discuté avec ma femme, je lui ai présenté toutes les contraintes, tout ce qui risquait d’arriver, que cela pouvait me prendre du temps, et elle a été mon premier soutien dans l’histoire à me dire “vas-y fonce” et aujourd’hui encore.

@lachaloupebrasserie

Brasserie La Chaloupe

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